Merveille de la Création : Frère Kakapo

Si le fait que le Kakapo est un oiseau ressemblant plus ou moins à un perroquet s’est imposé à tous grâce au dessin de couverture du journal, nombre d’entre vous se sont probablement posé quelques questions sur cet oiseau. Voici donc l’article tant attendu qui vous éclairera sur la biologie et la conservation de ces merveilleux oiseaux !

Description


Le Kakapo, ou " perroquet chouette " (owl parrot), comme il était appelé par les premiers colons européens, est un gros perroquet (les mâles peuvent peser jusqu’à 3kg) endémique de Nouvelle-Zélande et en voie de disparition. C’est une espèce unique, tant taxonomiquement que biologiquement, puisqu’elle possède une combinaison de caractéristiques partagée par aucune autre espèce !

Les Kakapos sont nocturnes, ne volent pas (étrange pour un perroquet...) et ne se reproduisent pas tous les ans (Powlesland, 1989). Les Kakapos vivent également très vieux : un mâle capturé adulte en 1975 est encore en parfaite santé et en état de se reproduire ! Ce n’est pas votre animal de compagnie préféré (chat chien, canari, etc.) qui en ferait autant ! Ce sont des oiseaux territoriaux, nécessitant de 15 à 30 ha pour les mâles et de 35 à 50ha pour les femelles. Contrairement aux rouge-gorge qui ne supportent pas le moindre congénère sur leur territoire, les territoires des Kakapos se recoupent parfois, et il arrive parfois que des individus quittent leur territoire favoris, pour y revenir ensuite comme si de rien n’était (Cresswell, 1996).


Le Strigops habroptilus peut habiter dans toutes une variété d’habitats, de la montagne, à la ligne de limite des arbres, à la forêt tempérée humide au niveau de la mer. Cependant de la recherche est encore nécessaire pour déterminer l’habitat optimum de


l’espèce, cette dernière ayant probablement survécu dans les zones les moins affectées par les prédateurs (parmi lesquels l’homme a occupé une place de choix comme d’habitude) plutôt que dans les zones les plus propices à la reproduction (Cresswell, 1996). Ce sont des oiseaux herbivores, dotés d’un bec puissant leur permettant de manger aussi bien des écorces, que des racines, des tiges, des rhizomes, des feuilles, des fleurs ou des graines (Cresswell, 1996).

Les Kakapos sont des "lek breeders" , c’est à dire que les années ou ils se reproduisent , au printemps et début de l’été, les mâles émettent des chants particuliers (appelés " booming " par référence aux sons émis) pouvant être entendu à plus de 5km pour attirer les femelles vers une partie spéciale de leur territoire : à cet endroit, généralement proche d’un promontoire, les mâles entretiennent une sorte de chemin menant à une dépression en forme de bol dans le sol. Le mâle chantant le mieux et ayant le chemin et le bol les plus attractifs aura le plus de chance de plaire aux femelles et de se reproduire. Le Kakapo est le seul perroquet et le seul oiseau ne volant pas à utiliser un tel mode de reproduction (Cresswell, 1996).

Celle-ci n’a lieu que tous les 2 à 5 ans. Les cycles de reproduction semblent différer d’un lieu à un autre et les facteurs poussant les Kakapos à se reproduire ne sont pas encore connus avec certitude (Creswell, 1996). Il semble cependant que les Kakapos ne se reproduisent que les années caractérisées par une forte production de fruits riches en protéines de certains arbres, comme le rimu (Dacridium cupressinum). La reproduction ayant eu lieu, les femelles retournent dans leur territoire, où elles pondent de 1 à 4 œufs. L’incubation dure environ 30 jours. Seules les femelles assurent la couvaison et la garde des poussins. Ces derniers restent donc seuls plusieurs heures par nuit, pendant lesquelles ils sont particulièrement exposés aux risques de prédation, pendant que leur mère va chercher de la nourriture. Les poussins restent au nid environ 3 mois et dépendent de leur mère durant au moins 3 autres mois après avoir quitté le nid (Cresswell, 1996).

Déclin


Au même titre que le Dodo (Raphus cucullatus) des Mascareignes, les Kakapos étaient parfaitement adaptés à leur environnement dépourvu de prédateurs mammifères (avant sa colonisation par les Maoris puis les Européens la Nouvelle-Zélande ne comptait que 2 espèces de mammifères terrestres, 2 petites chauve-souris). Suite à l’arrivée Polynésiens il y a environ 1000 ans, la population de Kakapo commença à décroître lentement en raison de la chasse et du défrichage des forêts. Cependant, jusqu’à la fin du 19ème siècle, l’espèce était encore relativement bien distribuée sur l’ensemble du territoire. Avec l’arrivée des Européens et conjointement l’introduction de prédateurs mammifères (fouines, chats, chiens, rats, furets...) dans la deuxième moitié du 19ème siècle, l’espèce déclina

rapidement au travers de la prédation, de la chasse, de la déforestation intensive et de la compétition avec les herbivores introduits (chèvres, opossums et cerfs). Vers le milieu du 20ème siècle, le Kakapo ne survivait plus que dans les zones les plus reculées du Fiordland National Park sur l’Ile du Sud. En 1977 la dernière population à l’état sauvage était découverte sur l’île Stewart (Creswell, 1996). Quelques individus survivent peut-être encore sur cette île et dans le Fiordland, mais cela est peu probable.


Conservation


De la fin du 19ème siècle aux années 60, diverses tentatives de localisation et de conservation des Kakapos eurent lieu, mais avec de piètres résultats. Dans les années 70, 3 mâles furent transférés de leur habitat d’origine dans le Fiordland vers une île refuge débarassée pour l’occasion de tous prédateurs. Ce fut le véritable début d’un effort de conservation qui allait mettre 20 ans à enrayer le déclin de l’espèce. Au début des années 80, toute la population connue de Kakapos (moins de 30 individus!! Et essentiellement des femelles) fut transférée sur des îles refuges (Butler, 1989 ; Cresswell, 1996).

Jusqu’au milieu des années 90, l’objectif principal des efforts de conservation était de localiser nouveaux Kakapos et de les transférer sur les îles refuges et assurer un suivi permanent des individus présents sur ces îles pour minimiser la mortalité des adultes et des poussins qui viendraient à naître. En 1992, pour la première fois un poussin fut élevé par des hommes et survécu. Ces efforts de conservation furent efficaces, puisque seuls 2 ou 3 Kakapos moururent dans les années 90 et la population en 2000 était de 62 individus, suivis quotidiennement par le Department of Conservation.

Parallèlement, au début des années 90 commença un programme de recherche visant à comprendre les mécanismes de reproduction de l’espèce afin de trouver le moyen d’inciter les Kakapos à se reproduire. Malgré plus de 10 ans de recherches, on ne sait toujours pas comment pousser ces oiseaux à se multiplier...

Ces 5 dernières années l’espoir de sauver les Kakapos a considérablement augmenté : en 1998, alors que personne ne s’y attendait ( pas même les chercheurs travaillant à temps plein sur le sujet !), les Kakapos se sont reproduits et 6 poussins purent être sauvés. Le plus grand nombre de poussins vivants jamais observé pour cette espèce ! Et en 2002, conformément aux prédictions des chercheurs, les Kakapos se reproduisirent. Cette fois-ci le Department of Conservation était prêt et d’un coup la population augmenta de 33% !! Vingt-deux poussins survécurent et cela posa des problèmes de gestion de l’espace disponible et il fallu trouver en urgence une nouvelle île refuge sur laquelle transférer des Kakapos.

Grâce à cette année exceptionnelle et à la meilleure compréhension de ces oiseaux, il semble donc que les Kakapos sont maintenant sauvés puisque la population s’est remise à augmenter. Mais il faudra bien sûr continuer les efforts de protection et de recherche pendant plusieurs années avant que ces oiseaux ne soient définitivement hors de danger de disparition.

Les Kakapos devraient maintenant pouvoir survivre. Mais derrière cette bonne nouvelle, combien d’autres espèces, d’autres merveilles de la Création, certaines encore inconnues des hommes, n’auront pas cette chance et disparaîtront dans les heures, les jours, les mois qui viennent ? Les causes de ces disparitions étant pour la plupart d’origine anthropique (pollution, surpêche, destruction des habitats, réchauffement climatique etc.) et causées principalement par les sociétés occidentales ( société de consommation, recherche de croissance, désir d’avoir toujours plus), il est urgent de revenir à une meilleure prise en compte de la Création dans notre vie de tous les jours, une meilleure prise de conscience de l’impact de nos actes sur la Création. Sans quoi, ce merveilleux jardin que le Créateur nous a donné en gardiennage disparaîtra bien vite et nous avec !


Benoît Gangloff - C.OR.E.

Références

Butler, D., 1989. Quest for the kakapo. Heinemann Reed, Auckland.
Cresswell, M., 1996. Kakapo Recovery Plan 1996-2005. New Zealand Department of Conservation. Wellington.
Powlesland, R.G., 1989. Kakapo Recovery Plan 1989-1994. New Zealand Department of Conservation. WellingtonSite internet (en anglais)

Pour en savoir plus sur ces merveilleux oiseaux : http://www.kakaporecovery.org.nz/kakapointro.html