L'énergie auxiliaire

En simplifiant, les écosystèmes peuvent être définis comme de la biomasse, constituée par la matière vivante (plantes, animaux, champignons etc.) interagissant avec le milieu. Pour fonctionner, un écosystème a besoin d'énergie. Celle-ci pénètre la biomasse, grâce à la photosynthèse des plantes par exemple, passe dans la chaîne alimentaire (les plantes sont consommées par les herbivores), et est finalement transformée en chaleur, au cours de la respiration des organismes notamment.

A cette d'énergie, s'en ajoute une autre qualifiée en écologie d'"auxiliaire" : l'énergie nécessaire à la mise en contact d'éléments complémentaires du milieu. Ainsi, pour grandir, une plante a besoin de sels nutritifs, initialement présents en solution dans le sol, au niveau de ses feuilles. Cet apport minéral est effectué par une "succion" de l'eau du sol à partir des feuilles grâce à l'évaporation (aussi appelée transpiration végétale,) de l'eau au niveau de ces dernières. L'énergie autorisant le déplacement d'eau du sol vers les feuilles est une énergie auxiliaire : elle permet la mise en contact de deux composantes de l'écosystème - les sels minéraux du sol d'une part, les cellules chlorophylliennes des feuilles de l'autre. Grâce à cette mise en interaction la plante peut grandir et participer au bon fonctionnement de l'écosystème.

Cet exemple l'illustre, l'énergie auxiliaire est principalement consacrée aux déplacements des fluides (eau, air), ceux-ci s'accompagnant de transports de matière. C'est donc l'énergie assurant un contact au bon endroit et au bon moment entre les éléments de l'écosystème appelés à interagir. Pour revenir au cas des plantes, la photosynthèse est conditionnée par la présence simultanée et au même endroit des cellules chlorophylliennes, de l'énergie lumineuse, du CO2 et des sels minéraux. Cette mise en présence de différents matériaux est réalisée par les mouvements de l'air (vent) propice à l'évapotranspiration, elle même impliquant la montée de l'eau des racines aux feuilles par l'énergie auxiliaire.

Une grande partie de l'énergie auxiliaire est d'origine externe aux organismes vivants (l'énergie générant des mouvements de masses d'air ou d'eau est solaire). Ces derniers en produisent cependant eux-mêmes lorsqu'ils "organisent" leur milieu de vie en vue de leur développement ou de leur survie - cela est vrai aussi bien chez les végétaux que chez les animaux. Par les premiers, une partie de l'énergie captée lors de la photosynthèse est utilisée pour la construction du support (branches, tronc, tiges) assurant le contact entre la plante et l'atmosphère, entre la plante et la solution saline du sol. En cas de dégradation de ce support une plante ne peut plus avoir de contact optimum avec les éléments dont elle a besoin et sa croissance s'en ressent. Les animaux eux, consacrent une partie de l'énergie qu'ils assimilent en s'alimentant à des déplacements actifs, pour rechercher qui de la nourriture qui un milieu favorable à la reproduction ou à l'hivernage. L'enjeu de ces mouvements, donc de l'énergie mise en œuvre, est bien la rencontre dans l'espace et dans le temps d'entités initialement distantes (le prédateur et sa proie, le mâle et la femelle, l'animal et son abris).

Par ailleurs, les déplacements des animaux participent à la dispersion de la biomasse (leur propre corps, leurs défécations génératrices de toutes une série de réactions biologiques et chimiques, leur respiration) et de la matière (les brindilles utilisés pour la construction du nid) à travers le ou les écosystèmes.

Enfin, l'édification de structures solides comme les fourmilières ou termitières nécessite de l'énergie elle aussi comprise comme de l'énergie auxiliaire. En effet, ces édifices génèrent des liens entre différents éléments séparés : la termitière abandonnée représente une réserve de

matériel fertile qui permettra la croissance d'arbres et d'arbustes ; l'énergie consacrée par les sœurs termites à la construction de leur abris aura donc permis la croissance des arbres en cet endroit.

Dernier aspect de l'énergie auxiliaire que l'on abordera ici et que l'on qualifiera d'"artificielle" – elle est introduite par l'Homme dans le but d'exploiter des systèmes qu'il créée"de toute pièce" : les agrosystèmes. Dans ces écosystèmes simplifiés à l'extrême en vue d'une exploitation intensive, les contacts naturels entres les différents éléments (plante, soleil, air, terre) ne sont plus suffisants. D'une part l'intensification provoquée de la production végétale implique une intensification des flux de matières, et notamment d'eau : d'où l'irrigation nécessaire. D'autre part l'exportation de la biomasse produite (récoltes) implique une fuite des éléments biogènes tels que les minéraux du sol (puisqu'ils ne lui sont pas restitués par la dégradation des végétaux morts sur place) : de l'énergie est là encore indispensable pour amener et répandre des engrais au sol en compensation.

Aussi l'agrosystème ne peut-il persister par lui-même et exige un apport permanent d'énergie auxiliaire par l'Homme. Cela revêt un caractère particulièrement préoccupant car force est de constater que par ses actions brutales et intéressées, ce dernier tend à déstabiliser un nombre croissant de systèmes naturels jusque là parfaitement fonctionnels grâce entre autre à l'utilisation massive d'énergie auxiliaire (les céréales, pain et autres spaghetti, que vous mangez ont nécessité plus d'énergie fossile (pétrole) que solaire lorsqu'elles ne sont pas labellisées "bio" - à méditer car le lien est assez direct avec les guerres en Irak et Afghanistan. Cette énergie apportée trop artificiellement force les réactions entre différents composantes de l'agrosystème, qui par suite s'effondre, entraînant les problèmes que l'on connaît inondations, désertification.... Ainsi diminue chaque année la superficie totale de terres fertiles sur notre planète.

Fondamentalement l'écologie décrit le monde par les correlations, covalences, interactions entre les entités plutôt que par la description analytique de ces dernières. En cela notre science se démarque de ses consœurs plus classiques, physique ou biologie. L'énergie auxiliaire est une notion proprement écologique.

Or le christianisme est une religion de la relation : l'acte créateur naît du rapport d'Amour parfait entre les personnes apophatiques : l'Esprit Saint, souffle de Dieu dans le monde, anime la Création dans l'existence. Il est l'"énergie" essentielle du monde et conditionne toute l'orientation du cosmos vers son accomplissement dans un processus dynamique et historique impliquant toute entité existante.

Et comme l'existence jaillit d'une relation, de même la dynamique historique du salut passe par la rencontre des êtres créés. L'énergie auxiliaire en ce sens serait une manifestation privilégiée de l'immanence de Dieu dans notre monde et des obstacles que rencontre encore sa manifestation totale dans la gloire.

Concrètement : l'énergie auxiliaire dans la plante génère la vie ; mais capturée et utilisée en vue de profits maximum par l'agriculture classique, elle entraîne la mort, du sol comme de l'Homme (accumulation de pesticide dans nos corps atteignant la fertilité masculine) et autres.

a "Il est l'auteur d'œuvres grandioses et insondables,

de merveilles qu'on ne peut compter"

Job 9, 10 b