L'année internationale de la montagne et de l'écotourisme

(Extrait du dossier de l'ECEN1 : Jour de la Création / Temps de création -

Thème de l'année 2002 de l'ONU. Regards chrétiens sur la montagne.)

Les régions montagneuses constituent un tiers de la surface terrestre, environ 10 % des êtres humains vivent dans ces régions et chacun des autres Hommes est directement affecté par les changements intervenant dans les zones montagneuses.

Dans le but de mettre en lumière l'importance des montagnes, et en marquer plus fortement la conscience du public, pour établir un lien aussi avec le Sommet de la Terre de Rio en 1992, les Nations Unies ont déclaré l'année 2002 "Année Internationale des Montagnes" et "Année Internationale de l'Ecotourisme". L'objectif est d'attirer l'attention sur les problèmes des régions montagneuses et souligner la nécessité d'y établir des modes de tourisme durables.

L'orientation pour un développement durable au 217ME siècle, prise au Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992 est un des fondements et une des inspirations qui ont conduit à l'Année Internationale de la Montagne. 181 états membres des Nations Unis ont signé l'Agenda 21 mais : 10 ans après, il est temps de faire le compte - qu'est-ce qui a été réalisé ? Des effets de synergie en résultant, quels seront les bénéfices pour l'Ecotourisme ?

Finalement, d'un coté le tourisme représente un énorme revenu économique potentiel pour les habitants des régions montagneuses, de l'autre, un potentiel destructeur écologiquement, économiquement et socialement parlant.

Pour les Chrétiens, les montagnes représentent bien plus qu'un ressource financière potentielle. Elles sont, comme le Psaume l'atteste, "formées par Sa puissance (65:7), et "les sommets des montagnes sont à Lui" (95, 4).

"Il fixe l'emplacement des montages" (104, 8) et "du haut du ciel, Tu fais pleuvoir sur les montagnes" (104, 13). "Les hautes montagnes sont pour les bouquetins, et les rochers servent de refuges aux damans" (104, 18), et "les montagnes apportent la prospérité et les collines la justice" (72, 3). Dieu dit "car j'ai à moi toutes les bêtes des forets

et des animaux sur des milliers de montagnes" (50, 10)

A une époque ou l'industrie du tourisme de masse croit notablement et perturbe la faune montagnarde, à toutes saisons , jusqu'aux au points les plus reculés et alors que cet habitat particulièrement sensible est entrain d’être détruit par le réchauffement global (accompagné de l'utilisation des canons à neige au printemps), il est urgent de rappeler que le monde dans sa totalité est la création d'un Dieu aimant et généreux.

Certainement, l'un ou l'autre pourra rencontrer Dieu "dans la foret" - le 1er septembre -Jour de la Création- après une solennelle "liturgie de la creation" ! Car : " les fleuves applaudissent et les montagnes crient leur joie" (98, 8).

Quelques réflexions sur la montagne par le Pasteur Karl Heinz Baumgartner

"Je lève les yeux vers les montagnes - d'où viendra mon secours ?

Mon secours me vient d'Adonai !" Psaume 121: 1 - 2a

Qui dit cela, qui prie ainsi ? Un croyant de la tradition du Roi David, il y a de cela 3000 ans ! Je regarde dehors : Les montagnes déplacent mon horizon, au-delà de la routine de ma vie quotidienne - mon cœur se dilate, je reprends courage.

Comme ces silhouettes sont sauvages!

Les vertes prairies alpines si soignées et les pâtures montagnardes montrent cependant des signes de négligence ! Trop de paysans sont partis. Plus personne pour continuer leur travail créateur. Partout le gazon s'éclaircit, dans les prairies de montagne d'audacieuses mauvaises herbes poussent aux dépends de la flore alpine si diversifiée.

Aide-nous, O Dieu, à trouver les moyens de sauvegarder la beauté de notre monde alpin!

Le désir de protéger la création de Dieu conduit à deux options logiques : soit nous changeons tous et réfrénons notre avidité et notre cupidité, soit nous nous définissons comme les "bons" par opposition aux "mauvais" et mettons un terme à leurs jeux. Nous devons suivre les deux chemins : insister sur le fait que nous devons tous changer, et jouer le rôle des "humains bien intentionnés" si bien que les critiques rient bientôt que sur eux-mêmes !

 

Un terme doit être mis au jeu de ceux qui affament les paysans des montagnes, de ceux qui torturent les animaux, de ces constructeurs de téléfériques possédés, de ceux qui se débarrassent de la nature et des traditions ; oui, mais peut-être quelque poème pourrait également être déposé sur leur bureau, l'un de ceux de Ringelnatz par exemple:

Die Erde hat ein freundliches Gesicht, (La Terre a un visage amical)

So gross, dass man`s von weitem nur erfasst. (tellement grand qu'on ne le voit que de loin)

Komm, sage mir, was du für Sorgen hast .(Viens, dis moi quels sont tes soucis)

Reich willst du werden, warum bist du`s nicht ? (Tu veux devenir riche, que ne l'es-tu pas?)

Un exemple de développement durable en zone montagneuse : les rizières Ifugao dans la cordillère philippine par le fr. Georg Ziselsberger, SVD

L'une des plus merveilleuses régions de montagne dans le monde est constituée par les rizières en terrasse de renommée mondiale dans le Nord des Philippines. Il y a plus de 1000 ans, les Ifugaos ont créé cette fantastique réalisation architecturale. A travers ce travail, des humains ont construit une relation homme-terre belle et diversifiée, qui cependant demeure également fragile et sensible aux perturbations.

Les rizières en terrasse Ifugao sont connues comme la "huitième merveille du monde" et "les escaliers du ciel". Pour les populations indigènes, ces escaliers conduisent à un panthéon des dieux avec lesquels seuls peuvent rivaliser en nombre les habitants du panthéon Hindou. Au travers de divers rituels et célébrations, particulièrement pendant les semailles et les récoltes, les Ifuagos s'assurent les faveurs du monde des esprits, mais sans perdre de vue qu'ils sont responsables de la sauvegarde de ce fragile écosystème. Jusqu'à il y a quelques décennies, ce lien sacré entre "ciel et terre" fonctionnait correctement. La conscience de vivre dans un univers sacré motivait les indigènes à réaliser ce chef-d’œuvre. A l'inverse d'autres merveilles du monde antique, cette réalisation agriculturale a été réalisée par un peuple libre, sans recours à l'esclavage. Il a été décidé librement de travailler et prendre soin de la Terre d'une manière supportable pour elle. (cf. Gen 2:15)

La sagesse des Ifugaos dans la cordillère du nord de Luzon, la plus grande île de l'archipel philippin, reflète ce que dit le psalmiste (Ps 104:13): "Du haut du ciel, tu fais pleuvoir sur les montagnes ". Afin de permettre aux sources de ces montagnes d'apporter la bénédiction d'un flux d'eau continu, orienté dans un système d'irrigation élaboré à travers les terrasses, les forêts couvrant les sommets doivent être préservées. Les divers tabous régulant l'utilisation des ressources forestières témoignent d'une profonde sagesse ' éco-spirituelle' comparable à celle du Psaume 95:4 - "Il dispose des profondeurs de la Terre et les sommets des montagnes sont à Lui."

Une relation 'homme-terre' enrichissante a permis "que les montagnes leurs apportent la prospérité, et les colline la justice" (Ps 72:3). Cette relation a commencé à être brisée depuis quelques décennies par des changements sociaux-economiques, parmi lesquels la croissance de l'industrie du tourisme de masse. Un nombre toujours plus grand d'habitants quittent leurs rizières ancestrales en raison de problèmes économiques. Cela amplifie les dommages supportés par ce fragile écosystème de montagne. Lorsque les rizières en terrasse ne sont pas irriguées ni entretenues, elles se désintègrent, et avec elles l'une des réalisations agriculturale parmi les plus vastes, et jusqu'à présent les plus écologiquement soutenables, de l'humanité!

Le mot magique est "Ecotourisme". Il devrait aider à préserver la sagesse des Ifuagos dans notre intérêt et celui générations futures. Cependant, des solutions purement technocratiques seront insuffisantes pour y arriver.

Le fondement, pour conserver "les escaliers du ciel" comme une "Merveille du Monde", c'est un nouveau sentiment de respect qui appréhende et aime le monde comme sacrement et création de Dieu !

Pasteur Karl Heinz Baumgartner