Les cyanophycées

"La loi de la nature" : est une expression souvent utilisée à propos de situations de domination, de prédation d'un animal sur un autre. Or s'il est vrai que la violence est fondamentale dans l'ordre actuel des choses, les relations dans la nature ne s'y réduisent pas - loin de là ! Le premier numéro de Kakapo avait déjà présenté le cas d'une collaboration poussée entre nos amies cyanophycées anabanea et les fougères azolla ; de tels exemples sont nombreux...

Les interactions s'exerçant entre les populations d'espèces différentes, outre l'indifférence, l'antagonisme, la compétition, la prédation et le parasitisme à connotation négative (une espèce est désavantagée), peuvent relever du commensalisme, du mutualisme ou de la symbiose.

Une balane, petit crustacé, est inféodée à la mandibule inférieure des baleines ! Elle y vit sans lui causer de tort. Les lichens eux, s'installent sur le support que leur offrent les troncs d'arbres : là non plus, malgré le squate, aucune nuisance n'est portée aux végétaux et de telles "amitiés" sont excessivement nombreuses dans les forêts tropicales. Les plantes s'installant ainsi sur d'autres végétaux sans les affecter négativement, s'appellent des épiphytes (parmi lesquelles : mousses, certains champignons...) ; dans le cas d'animaux, on parlera d'epizoaires.

Tant la balane que le lichen ont besoin d'un contact permanent avec leur hôte mais d'autres organismes sont plus libres vis à vis de ce dernier. Ainsi les crabes Pinnotheres élisent-ils domicile à l'intérieur de la coquille de divers bivalves, huîtres et moules en particulier. Celles-ci, là encore, n'y trouvent rien à redire sans même en tirer aucun bénéfice connu. Ce genre de situation s'observe souvent chez les insectes à l'exemple des dipteres syrphides qui, larves, se développent à l'intérieur des nids de guepes, bien hospitalières.

Guêpes et syrphides, lichens et arbres, balanes et baleines ou crabes et moules entretiennent une relation de commensalisme caractérisée par un organisme hôte ne tirant aucun profit de celui qu'il accueille et nourrit. Le second sera le commensal du premier.

Dans le cas de collaborations plus élaborées, le mutualisme, chacun des deux partenaires trouve son intérêt. Ainsi certains oiseaux débarrassent-ils les grands herbivores de parasites dont ils se nourrissent (au grand dam de ces derniers certes). Différentes espèces de singes s'associent et tirent de leur commerce une meilleure utilisation des ressources alimentaires offertes par le milieu ainsi qu'une protection accrue face aux prédateurs. On ne saurait exclure les végétaux de ce type de relations puisque des plantes sont associées de la même façon à leurs pollinisateurs, insectes et oiseaux. Si ces derniers profitent des sucres et acides aminés de la plante, ils lui assurent en retour une pollinisation efficace. Et il est remarquable que la plante est aussi acteur puisqu'elle même évolue pour améliorer cette collaboration : ses fleurs se transforment de façon à fidéliser une espèce d'oiseau (ou insecte). Le pollinisateurs est alors associé à cette plante particulière. En outre la production limitée de nectar peut obliger l'oiseau à parcourir plusieurs fleurs avant de satisfaire ses besoins.

D'autres cas existent, nombreux, dans lesquels non seulement les deux partenaires trouvent leur intérêt dans la relation mais sont devenus dépendants l'un de l'autre : on parlera de symbiose..

L'acacia cornigera d'Amérique centrale est dépourvu de défenses chimiques présentes chez d'autres espèces de la région mais... des fourmis du genre pseudomyrmex le défendent ! Leur récompense : logement et nourriture - elles creusent leurs nids à l'intérieur des épines et profitent du nectar produit à la base des feuilles. Les deux espèces ne pouvant se passer l'une de l'autre, chacune a adapté ses us à l'autre comme dans toute communauté : contrairement aux autres acacias, le cornigera ne perd plus son feuillage en saison sèche assurant une protection continue aux fourmis tandis que ces dernières travaillent jour et nuit et garantissent à l'arbre une sécurité permanente.

Que feraient les ruminants eux, sans les colonies de bacteries œuvrant dans leur intestin, cassant les chaîne de cellulose pour les rendre digestibles ; cette tâche, des protozoaires la réaliseront pour les termites, profitant de l'abris douillet que leur offre l'abdomen inférieur de ces travailleuses, essentielles dans leurs écosystèmes .

Des bactéries encore et toujours, fixent l'azote atmosphérique pour certaines plantes dont elles reçoivent en échange, sucres et protéines.

Comme tout en ce monde ces collaborations évoluent et ne relèvent pas de lois ou d'instincts immuables. Loin de là : des relations de parasitisme peuvent se transformer en mutualisme et inversement, telles les alliances suivies de guerres entre les nations. Les conditions environnantes du milieu de vie constituent un facteur essentiel de ces dynamiques et globalement, la complexité des rapports "naturels" n'a rien à envier à celle que l'on connaît chez les Hommes. Celle-ci n'en serait-elle plutôt un aspect ?

Il faudrait comparer les relations "naturelles" à ce qui se passe au sein de l'humanité et entre l'humanité et les autres espèces (les pigeons sont des commensaux de l'Homme) d'une part, de les relire d'autre part sous l'angle de la morale chrétienne : certaines relèvent telles plus de l'amour que d'autres et pourquoi...

Deux clés de lecture :

- Le rapprochement : l'amour trinitaire permet la communion et la synergie sans la fusion des identités - celles-ci restent libres. Il nous semble qu'à chaque exemple d'association observée dans la nature comme parmi les Hommes, l'Esprit-Saint se fait perceptible. Celui-ci né en effet de l'unité parfaite de deux personnes divines et engendre à son tour l'unité , rapproche, porte vers un accomplissement.

- La douceur ou par opposition, la non-violence : moins les rapports observés laissent place à la violence, plus ils témoignent de la présence de Dieu dans le monde.

L'enjeu est important : la nature (et plus largement, le cosmos) est-elle une réalité statique obéissant à des lois ou subit-elle une dynamique du bien et du mal, celle-là même dans laquelle l'Homme est engagé. Ne participe-t-elle pas alors à l'Histoire ?

Maxime