Les cyanophycées

Il y a 3,5 milliards d'années, l'atmosphère, issue d'un volcanisme exubérant depuis 500 millions d'années, était riche en oxyde de carbone (CO2), méthane (CH4), azote (N) et autre anhydride sulfureux (SO2) : irrespirable ! Aucune vie biologique sur la terre ferme...

Mais sous l'eau des premiers océans une activité se développait : la photosynthèse, caractérisée entre autre par la libération d'oxygène (O2) dans le milieu. Les premiers artisans, des artisanes en réalité, se nommaient cyanophycées, algues bleues microscopiques. D'autres organismes devaient intensifier considérablement cette activité mais seulement 1 milliard d'années plus tard ! Elles sont donc à l'origine de l'atmosphère actuelle riche en oxygène (environ 21 %) dont nous dépendons.

Rendons hommage à Mlle Gunflintia, la première de ces ouvrières découverte dans l'Ontario en 1961 ainsi qu'à ses cousines de Warranowa (Australie) et des Barbeton Mountains (Afrique du Sud), âgées toutes deux de 3,5 milliards d'années.

Leurs descendantes sont toujours là et se portent plutôt bien ! Les organismes photosynthétiques étant désormais nombreux, celles-là se distinguent désormais par la fixation de l'azote atmosphérique, dans l'océan ou en eau douce. Cet élément abondant dans la biosphère (79 % de l'atmosphère en poids) est en effet une composante essentielle de la matière vivante (55,14 % du corps humain) présent dans la constitution des protéines par exemple. Il n'est cependant pas utilisable tel quel par les plantes et doit préalablement être "apprêté" par des micro-organismes - bactéries ou cyanophycées - en nitrates assimilable.

On a d'ailleurs un bel exemple de coopération (symbiose) entre une fougère (Mme Azolla) et les cyanophycées Anabanea installées dans l'épaisseur de ses feuilles dont elles tirent carbone et énergie, et qu'elles approvisionnent en azote. Les Azolla devenus riches en cet élément qu'elles libèrent en mourant sont utilisées comme engrais verts dans des rizières au Moyen-orient : la production a été doublée par cette technique. C'est à ce genre de partenariat avec la nature que l'Homme devrait s'attacher à appliquer son génie plus qu'à tenter d'imposer à cette dernière de nouvelles règles qu'il ne maîtrise pas toujours.

Les cyanophycées ont peu de "prédateurs", leur principal facteur limitant étant le phosphore : lorsque celui-ci est apporté en trop grande quantité sous forme de phosphates (pollution liée aux engrais) notamment, elles se développent à outrance et forment un revêtement de plusieurs centimètres d'épaisseur au fond des lacs ou cours d'eau lents.

Ce faisant, elles apportent d'autant plus d'azote au système aquatique qui finit asphyxié par la respiration et la décomposition d'une matière organique devenu surabondante (eutrophisation). Ainsi le lac de Zurich dés 1920 et celui de Washington (1955) furent-ils envahis par Mlle oscillatoria rubescens, suite au rejet des stations d'épuration de ces villes.

Se détachant du fond, les algues bleues forment des galettes noires à la surface : les spirulines du lac Tchad sont récoltées, séchées et préparées en galettes riches en protéines ; celles du Mexique vendues sous forme de gélules dans certains magasins de diététique.

Anciennes et laborieuses, les cyanophycées sont recordwomen mondiales de thermophilie :

oscillatoria filiformis réside dans les eaux géothermales du parc naturel de Yellowstone (U.S.A.). dont la température s'élève jusqu'à 85°C. Elles sont également les végétaux les plus adaptables aux variations de salinité (euryhalins) : Microcoleus chtonoplastes habite aussi bien en eau douce que dans les marais salants !

Pour avoir une idée de l'activité de nos cyanophycées, voici un tableau des quantités annuelles d'azote captées dans l'atmosphère (le principale réservoir) :

Fixation par les océans (essentiellement cyanophycées et certaines bactéries) 20 millions de tonnes

Fixation par les continents 100 millions de tonnes

Fixation par l'industrie (production d'engrais et autres)... 4 millions de tonnes

On notera l'apport important de l'industrie : cela représente une augmentation de 40 % environ des quantités d'azote circulant à la surface de la planète...

Nous retiendrons pour notre gouverne que l'utilisation excessive de phosphates comme engrais participe à la mort des pièces d'eau par eutrophisation (cf. plus haut) et que celle des nitrates tend à déstabiliser les cycles naturels de l'azote. Chacun d'entre-nous peut participer à la résolution de ces problèmes en introduisant dans sa consommation alimentaire des produits issus de l'agriculture biologique, celle-ci étant exempte d'engrais chimiques - tant pis pour la gourmandise des cyanophycées !

Maxime

A noter : la parution en français du journal "Salamandre" diffusé depuis 1983 en Suisse. De très bonne qualité, il vous fait découvrir la faune et la flore autour de chez vous.

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