Écologie et Christianisme
Cette rubrique sera consacrée au commentaire de textes bibliques en relation avec le thème qui nous intéresse : la Création. Pour nous y préparer, nous avons interrogé Maxime qui nous ébauche le cadre de la problématique Quel lien existe t'il entre l'écologie et le christianisme ? Beaucoup trouvent la question saugrenue : il s'agit de deux domaines bien distincts et même, le chrétien ne saurait hésiter longtemps quant aux formes de son engagement. La sauvegarde des baleines est une bonne chose mais il s'agit de s'occuper des pauvres en priorité - là serait la spécificité chrétienne. La question ne se tranche peut-être pas aussi vite. En quoi l'écologie intéresserait-elle le chrétien en tant que chrétien ; ne constitue t'elle pas une préoccupation générale face à la crise de l'environnement que l'on connaît ? Certes, mais ceci ne veut pas dire que la réponse à ces problèmes pourra se trouver tout entière dans une forme de connaissance qui est la science ; la destruction de la biosphère à des origines complexes et exige une réponse complexe. Ainsi la théologie doit elle participer à la réflexion au côté des sciences exactes et de la philosophie. N'oublions pas que l'usage qu'une société fait de la science et de la technique dépend grandement des valeurs qui la sous-tendent. Or toute la civilisation occidentale repose sur l'héritage judéo-chrétien et d'aucun n'hésite pas à mettre en avant la grande responsabilité de la religion chrétienne dans la crise écologique actuelle. Quelle serait cette implication ? L'historien américain des techniques Lynn White, lui-même chrétien, relève que "le christianisme, surtout sous sa forme occidentale, est la religion la plus anthropocentrique du monde" : l'Homme n'y est-il pas à l'image de Dieu et ne lui a t'il pas été confié de nommer les animaux ? Dans l'esprit biblique cela veut dire que les animaux sont mis à sa disposition car disposer du nom c'est disposer de ce qu'on nomme. Ainsi toutes choses sont-elles mises à disposition du genre humain dans la genèse. Comment cela s'est-il traduit dans l'histoire ? La vision antique du cosmos était essentiellement contemplative. En outre la philosophie aristotélicienne avait une conception cyclique du temps et ne connaissait pas de début à l'histoire du monde comparable à la genèse. Or avec le christianisme, le temps devient linéaire : on se dirige vers l'accomplissement du Royaume de Dieu et l'Homme, à l'image du Christ, est collaborateur du Tout Puissant pour réaliser Son œuvre. C'est dans ce contexte chrétien qu'au Moyen-Age, les progrès techniques et scientifiques de l'Europe connurent un essor considérable et il n'est sûrement pas fortuit que la technologie aie été utilisée comme outil de domination de la nature par l'Homme. C'est avec le philosophe franciscain Bacon (18ème S.) qu'est née la conception moderne du progrès associant systématiquement aux découvertes scientifiques des développements technologiques destinés à améliorer les conditions de vie de l'Homme par une maîtrise toujours plus grande de son environnement. L'exploitation technique de la nature, a ainsi trouvé sa légitimation dans l'héritage culturel du christianisme. Cependant le christianisme a plusieurs visages ; est-ce qu'on vient de dire s'observe pour l'ensemble de la chrétienté ? Non : il semble que l'orient chrétien soit resté beaucoup plus contemplatif face à la création. Heureusement car cela signifie que l'objectivation de la nature est son exploitation à outrance ne sont pas des expressions propres au christianisme. Celui-ci sous sa forme occidentale se serait plutôt retiré devant d'autres influences sans marquer son originalité. Il se serait concentré sur les conditions du Salut de la personne humaine pour abandonner la nature au champ de la science. Le sommet de cette dissociation entre l'Homme et la nature, l'esprit et la matière, culmine dans le cogito ergo sum ("je pense donc je suis") de Descartes au 17ème S. Jésus-Christ lui-même n'a jamais parlé de s'occuper de la nature et le premier commandement est "aime ton Dieu plus que tout et ton prochain comme toi-même" (Mt 22, 37-39)... Certes mais Jésus-Christ n'a parlé ni d'O.G.M. ni d'avortement et nous devons pourtant nous prononcer sur ces sujets sans nous déshabiller de notre foi chrétienne. Le message du christ se comprend avec l'ensemble de la bible et là nous avons des références quant à la place de la création.
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Ce premier commandement nous dit d'abord que le christianisme est théocentrique ce que rappelle clairement le credo et nous ne devons pas le réduire dans la pratique à un simple humanisme. Le "dominez (de "dominus" - "maître") la Terre et multipliez vous" de la genèse est indissociable de Jésus, le maître modèle, servant (Luc 22, 27) ses disciples... Et concernant la Création proprement dite... Le texte d'Isaïe 11, 1-9 est un des plus expressifs dans l'ancien testament. Evoquant la venue du messie et sa justice, le prophète nous présente huit scènes de relations pacifiques entre des espèces naturellement "ennemies" - plus justement proies et prédatrices. Ainsi voit-on la panthère se coucher avec le chevreau, ou le nourrisson jouer sur le repaire de la vipère aspic : "On ne fera plus de mal ni de violence sur toute ma montagne sainte, car le pays sera rempli de la connaissance de Yahvé,...". C'est dire que le règne de l'amour caractéristique du Royaume ne concerne pas seulement l'Humanité : la proximité de Dieu se traduit en une Sympathie universelle. Saint Paul quant à lui affirme avec force la portée cosmique du Salut rendu possible par la croix car le Christ "est le premier né de toute créature, c'est en lui qu'on été créées toutes choses, dans les cieux et sur la Terre [ ] tout à été créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose et tout subsiste en lui. [ ] Dieu s'est plu à faire habiter en lui toute la plénitude et par lui a réconcilier tous les êtres pour lui, aussi bien sur la Terre que dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix." (colossiens 1, 15-20) Le Christ résume le cosmos en lui même et le sauve tout entier par sa résurrection ; cela, l'apôtre le précise autre part au sujet de la création qui "aspire à la révélation des fils de Dieu : si elle fut assujettie à la vanité - non qu'elle l'eut voulu, mais à cause de celui qui l'y a soumise - c'est avec l'espérance d'être elle aussi libérée de la servitude de la corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu." (Romains 8, 19-21). Le lien entre ces textes et l'écologie est frappant : l'écologie scientifique cherche en effet à définir quels sont les rapports existants entre les différentes composantes vivantes (animaux et végétaux) ou non (minéraux) de notre planète et au-delà . En particulier l'écologie doit déterminer, quelle doit être la relation de l'Homme à la nature qui permette la survie de l'un et de l'autre à long terme. Or des références bibliques précitées, on peut déduire qu'une façon de travailler au Royaume de Dieu consiste à élaborer des rapports non violents entre tous les êtres. Il est clair que pour le moment nous pouvons aider essentiellement à l'amélioration du comportement de l'Homme vis-à-vis de la nature et des autres espèces. faire collaborer un serpent et une mangouste restant hors de notre portée (c'est possible avec un chien et un chat ). Cette non-violence fait penser à la douceur, la troisième des béatitudes (Mt. 5, 5)... Et on arrive ainsi à Jésus-Christ lui-même. Si le salut concerne l'ensemble de la Création, de même les vertus évangéliques s'étendent-elles à tous les êtres créés. La protection de telle ou telle espèce ou de tel milieu naturel est probablement une expression particulière de la charité. De nombreuses figures en ont témoigné, de Makaire l'Egyptien (4ème S.) et Maxime le confesseur (7ème S.) à Teilhard de Chardin au 20 ème S. en passant par François d'Assise (13ème S.). Tous ces auteurs ont en effet parlé d'une communauté entre toutes les créatures, communauté née de leur origine commune (le Verbe de Dieu nous dit ST Jean), restaurée par la résurrection du Christ. Celui-ci demande aux apôtres, avant de quitter ce monde d'annoncer l'évangile à toute la Création (Marc 16, 15)... Le chrétien serait alors écologiste par nature... Il y a effectivement une approche chrétienne de l'écologie. Le chrétien ne se préoccupe pas de la nature seulement parce-que l'Humanité elle-même est en danger mais parce-que l'ensemble de la Création est menacée. Il s'intéresse par miséricorde pourrait on dire au monde qui lui est confié avec le désir de le mener à son accomplissement dans la gloire du Royaume de Dieu. Aussi lui appartient-il de réfléchir à tous les moyens de réduire la violence des activités humaines sur l'environnement naturel. N'oublions pas enfin que les désordres écologiques créent un nombre croissant de pauvres, qu'ils soient victimes des perturbations climatologiques, de la déforestation et de la sécheresse ou des affections dues à la pollution. Maxime |